
Les apprentissages, l’école et les cases à cocher.
Tu as 4 ans. Et tu le ressens comme une injustice au fond… Ma fille, 4 ans c’est ton âge, c’est la période qui s’est écoulée depuis ce jour où on a vu tes yeux. 4 ans ce n’est pas toi, ce n’est qu’un chiffre qui va te suivre jusqu’à ton anniversaire. Et lorsque tu auras ce 5 que tu attends depuis tes 4 ans et deux mois, je te connais tu voudras déjà en avoir 6 ! Ce ne sont que des cases à cocher, pas une réalité qui t’enferme dans tes apprentissages… enfin je crois !
Ces cases à cocher qui dérangent.
Nous, on a 5 ans ! Et toi, tu n’as que 4 ans !
Ce que ça peut l’agacer cette phrase… Elle qui déjà voudrai grandir trop vite a maintenant un but à atteindre : rattraper l’âge des copains. Mais c’est impossible !
Depuis ses 3 ans elle guette avec impatience les 3 ans et demi, les 4 ans et maintenant les 4 ans et demi… Comme si à chaque étape, elle pourrait rattraper un peu les autres… Mais non l’écart reste le même et quelle frustration quand arrive enfin le jour J de s’entendre dire qu’en fait elle n’a rattrapé personne !
Ces cases qui enferment dans les apprentissages.
Je voudrai savoir faire comme toi. La maîtresse elle m’apprend que des choses que je sais déjà !
Balayons d’abord vos pensées :
Loin de moi l’idée de critiquer sa maîtresse qu’elle adore et que j’apprécie beaucoup aussi. Ensuite, je ne tiens pas non plus à ce que vous croyez qu’elle excelle et qu’elle n’a rien à apprendre : c’est faux.
Le problème est autre, et il m’a fallu un moment pour comprendre ce que voulais dire sa phrase fétiche « mais je sais déjà tout faire !« . Coller, couper, recopier,… elle le fait et elle n’en saisi pas l’intérêt puisque ce qu’elle veut c’est lire et pouvoir écrire de façon autonome. Elle fixe là-dessus comme si c’était la clé pour déchiffrer le monde.
J’ai parlé à sa maîtresse de son envie d’autre chose. Elle n’a pas hésité à proposer aux enfants de passer à l’écriture du prénom en attaché le jour même. Sur le chemin du retour, Yuna m’a confié qu’elle était contente mais… qu’elle n’a pas appris à écrire des mots sans modèle !
Ces cases qu’elle ne connait pas…
En fait, son soucis au fond, c’est qu’elle n’a pas conscience qu’avant de cocher la grosse case « lecture et écriture » il faut en cocher pas mal…
Je lui ai expliqué que ce qu’elle fait actuellement ce sont des étapes pour parvenir à son but. Je ne sais pas si j’ai réussi à la convaincre.
… ou ne comprend pas !
Nouvelle conversation avec sa maîtresse pour lui expliquer le raisonnement de Yuna. Elle a sourit et m’a répondu qu’ils écrieraient en grande section, de manière autonome en CP. Voilà pourquoi elle tient tant à aller au CP !
Je comprend tout à fait qu’il faille respecter un rythme. Surtout que les classes sont remplies de 30 élèves tous différents. Encore une fois, mon but n’est pas ici de critiquer ! Je ne vois pas comment une enseignante et une Atsem pourraient mener une classe de 30 élèves en respectant à la lettre les envies et les zones de désintéressement de chacun.
Elle voudrait savoir lire et écrire, comprendre le corps humain et la disparition des dinosaures alors qu’elle peine à compter jusqu’à 20. J’imagine que dans sa classe, d’autres sont passionnés de chiffres comme son copain, par le dessin ou encore par les puzzles…?
Et puis, il y a cette notion de programme scolaire. Il est écrit ce qu’on doit apprendre à chaque niveau. Cela permet que tous les élèves apprennent la même chose au même âge. Oui mais… chaque élève est différent et chaque élève a ses centres d’intérêts.
Je vois bien quand on lui explique qu’elle apprendra ce qu’elle souhaite en CP, elle n’est pas ravie du tout ! Et l’école perd clairement de son intérêt si elle ne lui apporte pas ce qu’elle y recherche…
Et les apprentissages à la maison ?
Mais à la maison, il n’y a pas de cases à cocher… Qu’elle ait 4 ans et qu’elle soit en moyenne section ne change rien pour nous !
Elle est en demande, elle veut savoir faire et sa frustration de ne pas apprendre est énorme !
Je ne peux pas me résoudre à la laisser attendre un apprentissage qui la stimule tant. Je prendrai deux risques : un désintérêt de l’école et un désintérêt des apprentissages de manière générale.
Alors, je prends soin d’écouter ce qu’elle demande. Mais j’ai toujours peur de deux autres risques :
- lui créer un décalage dans les apprentissages en suivant ses demandes (positif dans ce qu’elle aime et négatif dans ce qu’elle néglige),
- aller trop vite que ce qu’elle peut comprendre et lui faire perdre confiance en elle.
Quel est le rôle des parents dans les apprentissages en dehors de l’Instruction En Famille (IEF) ?
Je suis du genre à penser que nous avons notre rôle à jouer si elle est en demande. Mais du côté des professeurs, ne sont-ils pas en droit de penser que si je leur confie ma fille je n’ai pas à leur voler leur rôle ?
Et puis qu’en sera-t’il quand elle saura lire ? Ne vais-je pas la mettre en difficulté si elle sait avant l’heure ? Ne vais-je pas renforcer ce sentiment de ne pas apprendre ce qu’elle veut en anticipant trop sur les apprentissages scolaires ?
Et puis ce n’est pas juste au fond !
Si elle était passionnée de natation, personne ne nous reprocherait de lui apprendre à nager. Qui dirait que le crawl ou la brasse ne sont pas à apprendre avant le CP ?
Personne non plus ne dirait rien si un enfant de 5 ans fait un puzzle destiné à des 8 ans ?
Pourquoi la lecture, l’écriture et les mathématiques devraient eux être soumis à des âges clés au risque de perturber la scolarité ?
Pour conclure.
Nous avons pris la décision de ne pas la freiner. En croisant les doigts pour qu’elle ne se désintéresse pas de l’école.
Nous avons acheté un livre de lecture, je l’aide à trouver comment écrire, etc. Nous ne faisons pas la classe après la classe évidemment. Mais j’essaie tant que possible de répondre à ses demandes d’apprentissages.
Parfois, je vais jusqu’à lui proposer quelque chose de difficile. Puis je lui explique que si c’est difficile pour elle, c’est parce qu’elle doit d’abord passer par toutes ces étapes qu’elle n’aime pas (comme l’écoute des sons).
Enfin, pour la motiver à aller à l’école, je lui promet de lui apprendre ce qu’elle veut après. En sortant, elle me répète tout le temps que « c’était bien ! mais j’ai pas appris des trucs« . Évidemment, elle apprend beaucoup de choses… mais pas ce qu’elle veut !
Pour les petits pressés de la lecture, rendez vous dans cet article.


2 commentaires
Maïlys LD
C’est ce qui me dérange le plus dans les classes classiques. Le problème ne vient pas des instituteurs/institutrices, mais du fait que même à eux, on leur a appris que dans telle classe ils devaient enseigner telle ou telle chose. Qu’un enfant de tel âge, devait savoir faire telle ou telle chose. On respecte tellement peu les envies et besoins des enfants. On leur impose les savoirs qu’on pense qu’ils doivent connaître, sans se demander si ça les intéresse. Même en grandissant, le problème reste le même. On nous oblige à rester assis des heures, pour apprendre des choses qui ne nous passionnent pas. J’ai tellement détesté le collège, le lycée, pour toutes ces matières que nous devions faire sans comprendre où ça nous menait. La biologie par exemple, en première et terminale je n’ai pas réussi à dépasser les 5 / 8 de moyenne par trimestre. Coefficient 7, je te laisse imaginer l’angoisse. L’année suivant, je suis partie en CAP Petite Enfance, formation que j’avais choisie. J’avais de nouveau de la biologie – simplifiée par rapport au lycée certes, mais les même savoirs au final. J’ai eu 15 de moyenne toute l’année et surprise, j’adorais ça ! Idem pour l’anglais, qu’on nous a appris mais pas de manière spontanée alors que ça aurait pu être si simple. Aujourd’hui je suis capable de l’écrire et le parler presque couramment, le comprendre par de vrai anglais/américains m’est un peu difficile, il me faut un temps de réflexion, mais j’y arrive quand même. J’ai appris comment ? Les voyages et les films… (Bon, et les familles pour lesquelles je travaille qui sont la plupart du temps américaines). Mais les professeurs n’y sont pour rien, comme tu le dis si bien : ils en peuvent pas gérer individuellement 30 élèves aux intérêts différents. Et pourtant… On a fermé toutes les petites classes, des petits villages, pour les rassembler dans de plus grandes. Ce qui est le plus fou, c’est que les apprentissages autonomes ne datent pas d’aujourd’hui, j’ai beaucoup lu à ce sujet et les personnes qui ont étudiés ces sujets en premier sont très vieux (voire décédés) – on a juste décidé de passer outre. A nous à la maison, d’être à son écoute et de lui proposer ce pour quoi il/elle est en demande.
Famille Plume
Merci pour ce retour !
Du coup, ça me fait drôle de retourner sur cet article quasiment 2 ans après. Entre temps, nous avons fait une année d’IEF qui a fait un bien fou à notre fille. Aujourd’hui, elle est retournée à l’école, en CP, et recommence à se plaindre de ce genre de choses… Par contre, nous avons gardons nos habitudes de la laisser explorer à fond les thèmes qui l’intéressent. Et avec l’acquisition de la lecture, elle se jette à corps perdu dans tout ce qui lui plait (l’espace, les pokemon, le corps humains,…) quand ça lui chante ! C’est un régal de la voir si curieuse.
L’idéal, serait que les classes soient beaucoup moins chargées, pour que les enseignants aient la possibilité de s’adapter à chaque enfant. Mais à priori, ce n’est vraiment pas le raisonnement du moment…